Le papier monnaie
Les premiers billets sont apparus en Chine sous la dynastie Sui (581-617). Ils étaient utilisés comme offrande funéraire à la place de monnaies réelles.
Par la suite, sous la dynastie Tang (618-907), les marchand qui devaient se déplacer avec des sommes importantes commencèrent à déposer de l’argent aux guichets de leurs corporations. Ils recevaient en échange un hequan ou « billet de contrepartie ». C’est un reçu qui faisait preuve de leur dépôt et leur permettait de retirer une somme identique en monnaies sonnantes et trébuchantes auprès de leur corporation dans une autre ville. Ils pouvaient ainsi se déplacer sans avoir de grosses sommes sur eux.
A partir de 841, l’État souhaite prendre le contrôle de ces échanges. Il interdit alors les hequan et met en place des billets de contrepartie officiels que l’on peut retirer uniquement auprès de l’administration financière.
Les premiers « vrais » billets apparaissent sous la dynastie Song du Nord, avec le règne de l’empereur Zhenzong (997-1022). Des commerçants de la province du Sichuan émettent les premiers billets dont la valeur est garantie par une réserve de monnaies, les jiaozi. Puis en 1024, sous l’empereur Renzong, l’État prend le contrôle de ces émissions et instaure une nouvelle unité monétaire officielle, le guan. Le guan est équivalent à 1 wen, une ligature de 1000 pièces. A cette différence près que pour le guan, la valeur en contrepartie n’est que de 770 pièces. Ces nouveaux billets sont appelés guan jiaozi ou « billet officiel ». Leur valeur est garantie par une réserve monétaire en pièce ou sel dans un premier temps, en or ou en argent par la suite.
Durant le règne de l’empereur Ruizong, les billets officiels sont remplacés par les qianyin. Mais les émissions de billets ayant été trop importantes, les réservent ne peuvent plus couvrir la totalité de la valeur en circulation. En conséquence, la valeur des billets est dévaluée et le guan est ramené à une équivalence de 100 pièces.
La dynastie Song du Sud met un terme aux guan et qianyin pour les remplacer par huizi.
A partir de la dynastie Jin, le manque de métal pour fabriquer des monnaies (particulièrement le cuivre) pousse à l’emploi de billets, les jiaochao. Il connaîtront le même sort que leurs prédécesseurs. Une réserve monétaire trop faible par rapport à la masse en circulation fera chuter leur valeur.
Suite aux différents échecs et dévaluations du papier monnaie, Kubilai Khan de la dynastie Yuan (1234-1368) décide de mettre en place une réforme afin d’utiliser la valeur de l’argent comme base du système monétaire. Deux types de billets sont émis. Les jiaochao, identiques à ceux des Jin, libellés en liang garantis par un réserve de soie, et pouvant être échanger contre un équivalent en argent. Et les zhong tong yuanbao, libellés en guan, garantis par un réserve d’argent. Une parité de 1 liang pour 1 guan a été instaurée entre ces deux types de billets. Puis le gouvernement décidé d’abandonner la réserve de soie, ce qui causa la fin des jiaochao. Les zhong tong yuanbao quant à eux restèrent stables en raison de leur convertibilité en argent et de leur contrôle par l’administration.
En 1287, un nouveau type de billet est émis, le zhi yuan tongxing baochao. Il n’est pas convertible en argent et n’obtiendra pas la confiance du peuple qui lui préfèrera les monnaies métalliques. Sous le règne de Wuzong (1307-1311), une réforme est mise en place et conduit à l’émission de zhi da yinchao. Ils seront supprimés à sa mort, et l’usage des pièces sera interdit par la même occasion. En conséquence, seuls les billets émis précédemment peuvent être utilisés. Les émissions de billets reprennent de plus belles mais ne sont pas toujours comptabilisées. Les quantités de billets en circulation deviennent alors bien trop importantes, et c’est tout le système monétaire qui va s’écrouler.
En 1375, sous la dynastie Ming, de nouveaux billets sont mis en circulation, les Da Ming tongxing baochao. La parité est fixée à 1 liang d’argent ou 1000 pièces de cuivre pour un guan. Le ministère des finance prend le contrôle de l’émission en 1380. Les billets portent alors la mention Hu bu (Ministère des finances). Le schéma des habituel se reproduit, les émissions se multiplient et la valeur des billets chute pour arriver à une valeur de 100 guan pour 28 pièces de cuivre. Pour faire remonter la valeur des billets, les empereurs ont même tenté d’interdire l’utilisation des monnaies métalliques, mais sans succès. En 1569, l’émission des billets et stoppée.
Echaudés par les échecs sucessifs, les Chinois abandonnent alors le papier monnaie pendant plusieurs siècles.
Il faut attendre la dynastie Qing, et l’empereur Xianfeng (1851-1861) pour voir une nouvelle tentative avec des Hubu guanbiao émis par le ministère des finances. Ils ne sont pas échangeable contre leur valeur en métal et leur côte de confiance diminue. La machine s’emballe à nouveau, des billets sont émis à tord et à travers, leur valeur s’effondre. Des coupures de plus en plus grosses sont émises, jusqu’en 1861 où ils sont définitivement abandonnés.
Ce n’est qu’avec l’avènement de la République de Chine que l’on verra apparaître un système monétaire avec des billets émis par les banques modernes, garantis sur des réserves monétaires fiables.
Le billet serait donc apparu en Chine environ 7 siècles avant son apparition en Europe. C’est Marco Polo qui en rapporta le premier le procédé de fabrication lors de son séjour en Chine sous le règne de Kubilai Khan : « C’est dans la ville de Khanbalik que le grand Khan possède sa monnaie (…). En effet, on y fabrique du papier-monnaie à partir de l’aubier du mûrier, l’arbre dont les feuilles nourrissent le ver à soie. L’aubier, entre l’écorce et le cœur, est extrait, broyé puis mélangé à de la colle et comprimé en feuilles semblables à des feuilles de papier coton, mais complètement noires. La méthode d’émission est très formelle, comme s’il s’agissait d’or ou d’argent pur. Sur chaque coupon destiné à devenir un billet, des fonctionnaires spécialement désignés inscrivent leur nom et apposent leur cachet. Lorsque le travail est fait selon les règles, le chef nommé par le Khan imprègne son sceau de colorant et appose sa marque vermillon en haut de la feuille. C’est alors que le billet devient authentique. Ce papier est ensuite répandu dans tous les domaines de Sa Majesté, et personne n’ose, sous peine de la vie, refuser de le recevoir en paiement. »